C’est une décision qui était attendue ! Le Conseil d’État a récemment précisé les pouvoirs des branches professionnelles en matière de salaires minima conventionnels. Il a ainsi estimé qu’un accord de branche peut inclure une prime annuelle dans l’assiette de ces minima.

Conventions collectives : un refus d’extension relatif à des minima hiérarchiques

Un avenant à la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 31 mai 2018 avait fait l’objet d’un arrêté d’extension du 5 juin 2019. Toutefois, certaines dispositions de cet avenant, qui concernait les minima conventionnels et instaurait un salaire minimum annuel garanti, avaient été exclues du champ de l’extension ou fait l’objet d’une réserve. Dans le détail, cela visait :

  • la mise en place d’une garantie annuelle de rémunération incluant un salaire de base et certains compléments de salaire (une prime annuelle et des temps de pause) ;
  • une application de cette garantie annuelle de rémunération aux cadres en forfait jours.

Pour le ministère, le refus d’étendre ces deux dispositions se justifiait par le fait que les salaires minima hiérarchiques ne peuvent se rapporter qu’à un salaire de base et ne peuvent donc pas inclure de compléments de salaire.

Rappel
Un arrêté d’extension permet de rendre obligatoire les dispositions d’une convention collective à tous les salariés et employeurs compris dans son champ d’application territorial et professionnel. L’extension concerne également les entreprises qui ne sont pas adhérentes à une organisation syndicale signataire de l’accord.

Plusieurs syndicats avaient saisi les juges pour demander l’annulation de l’arrêté, en raison du refus d’extension des deux dispositions litigieuses.

Conventions collectives : des minima hiérarchiques à la composition problématique

Pour rappel, les ordonnances Macron du 22 septembre 2017 ont mis en place une nouvelle organisation des niveaux de négociation. Une réforme qui a limité les sujets sur lesquels l’accord de branche prévaut sur l’accord d’entreprise.

S’agissant des salaires minima hiérarchiques, les accords de branche prévalent sur les accords d’entreprise.

Concernant les accessoires de salaire (ex : primes), les accords d’entreprise peuvent s’affranchir des stipulations des accords de branche.

Le ministère justifiait sa position par le fait que lorsque, comme ici, l’assiette du salaire minimum conventionnel intègre des accessoires de salaire, la branche se retrouve en quelque sorte à occuper le terrain de la négociation d’entreprise.

Pour le ministère, une telle situation n’est donc pas en accord avec l’esprit des ordonnances Macron.

Conventions collectives : le Conseil d’Etat fixe les règles de composition des salaires minima hiérarchiques

Mais le Conseil d’Etat n’a pas adhéré au raisonnement du ministère.

Il rappelle d’abord qu’avant l’entrée en vigueur des ordonnances Macron, l’accord de branche pouvait déterminer un niveau de salaire minimum qui, lorsqu’il n’en définissait pas la structure, s’appliquait au salaire de base et aux compléments de salaire.

Or, la notion de salaire minimum hiérarchique (SMH) n’est nulle part clairement définie. Pour le Conseil d’Etat, cela implique que, depuis les ordonnances Macron, les signataires d’un accord de branche ont toujours la possibilité de définir la structure du SMH et de prévoir qu’il s’applique à la rémunération effective du salarié, incluant le salaire de base et certains compléments de salaires.

Le Conseil d’Etat précise enfin que, lorsque l’accord de branche prévoit que les SMH s’appliquent aux rémunérations effectives des salariés, incluant les salaires de base et des compléments de salaire, un accord d’entreprise peut réduire ou supprimer ces compléments de salaire. Une condition : encore faut-il que les salariés bénéficient d’une garantie de rémunération effective au moins égale au montant du SMH fixé par l’accord de branche.

Par conséquent, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté ministériel en raison de la limitation de son champ d’extension.Conseil d’Etat, décision n° 433053, 7 octobre 2021 (il est loisible à la convention de branche, d’une part, de définir les salaires minima hiérarchiques et, le cas échéant à ce titre de prévoir qu’ils valent soit pour les seuls salaires de base des salariés, soit pour leurs rémunérations effectives résultant de leur salaires de base et de certains compléments de salaire, d’autre part, d’en fixer le montant par niveau hiérarchique)