Comment les élus du personnel passés en comité social et économique (CSE) abordent-ils le premier exercice comptable de l’instance unique ? Témoignages et rappel des dispositions légales et des éléments négociables.
Choisi parmi les membres titulaires du comité social et économique, le trésorier conserve un rôle central au sein la nouvelle instance unique de représentation du personnel (lire notre encadré ci-dessous). Nous avons profité de notre présence le jeudi 4 avril au septième congrès national de l’UNSA à Rennes pour interroger Isabelle Merchier (Udapei Nord), Laurence Mulliez (Cresda), Brice Vuibert (PSA) et Carole Bouvier (Caisse d’épargne) sur la transmission du patrimoine du CE vers le CSE et le premier exercice comptable de la nouvelle instance unique.
Jusqu’ici trésorière de comité d’établissement, Isabelle Merchier a été confrontée en début d’année à la fusion des trois CE de l’Udapei du Nord (association de 157 salariés qui accueille les enfants en situation de handicap) dans un comité social et économique unique. « Pour le poste de trésorier du CSE, nous avons donné la priorité à celle qui avait déjà 15 ans d’ancienneté dans la fonction. Et je dois reconnaître qu’elle est très efficace ! Pour ma part je me suis recentrée sur mon mandat syndical. Chacune des trois instances locales avait son propre compte bancaire, il a fallu les fusionner ».Le CE avec lequel nous avons fusionné n’avait que 57 euros sur son compte

Une opération comptable qui n’est pas sans provoquer quelques tensions : « Alors que notre comité d’établissement a apporté un reliquat de 4 000 euros pour les activités sociales et culturelles, le comité du siège n’avait plus que…57 euros sur son compte au moment de la fusion !, explique Isabelle Merchier. C’est d’autant plus difficile à accepter lorsque l’on sait que le CE du siège avait 11 000 euros de dotation pour 15 personnes, quand notre site, qui emploie de nombreuses aides-soignantes, n’avait que 22 000 euros par an pour 57 salariés ». À cela s’ajoute le fait que les comptes du nouveau CSE ne sont toujours pas opérationnels : « La banque nous réclame des documents que la direction générale tarde à transmettre. Donc pour le moment nous ne pouvons pas faire de billetterie au profit des salariés. On fonctionne avec les seuls chèques-vacances commandés quelques semaines avant les élections professionnelles ».
Laurence Mulliez, déléguée syndicale et membre du CSE du Cresda (Centre régional d’éducation spécialisée pour déficients auditifs) à Pont-à-Marcq (Nord), est également confrontée à un regroupement d’instances locales : « Cela s’annonce compliqué pour l’organisation des voyages du CSE car les salariés des deux sites accueillent des enfants de zones différentes pour les vacances scolaires et ne peuvent dès lors pas poser leurs congés payés en même temps, anticipe-t-elle. En revanche le président du CSE présidait déjà les deux comités d’établissement, et nos deux instances arrivent sans dette. C’est déjà ça ».Pour le passage au CSE, nous avons opté pour une stricte séparation des budgets

Pour cette mise en place initiale de la nouvelle instance, les élus ont pris la décision de respecter la stricte séparation des budgets : « Ce qu’il restait sur les deux comptes de fonctionnement a été versé sur le nouveau 0,2% du CSE, de même pour les ASC. Lors de la prochaine réunion nous allons voter le règlement intérieur du CSE, notamment pour intégrer la nouvelle possibilité de transférer en fin d’année 10% du reliquat de fonctionnement vers le compte des ASC ». Le budget 2019 du CSE va également bénéficier d’un coup-de-pouce inattendu : « Notre ancien CE a fait l’objet de deux redressements Urssaf ces dernières années, déplore Laurence Mulliez. Mais la bonne nouvelle c’est que nous venons d’obtenir gain de cause auprès de l’administration sur l’un des deux redressements, relatif à une discrimination entre salariés à temps plein et temps partiel dans l’attribution des chèques-vacances. Cela va faire un supplément de budget cette année, mais on peut pas dire que notre Urssaf fait des cadeaux aux élus du personnel ! », ironise-t-elle.
Pour les trésoriers des CSE « héritiers » de biens immobiliers, la première tâche aura été de veiller au transfert de patrimoine : « Notre CSE d’établissement est propriétaire d’une salle de spectacles, d’une salle de sport et d’une petite épicerie installée sur le site de production, témoigne Brice Vuibert, titulaire du CSE de PSA Charleville. Lors de la première réunion du CSE, nous avons voté le transfert de tout le patrimoine mobilier et immobilier de l’ancien comité d’établissement.Le transfert de patrimoine, préparé par l’expert-comptable, a été voté lors de la première réunion CSE

L’état des lieux du patrimoine a été établi par notre expert-comptable, et ce bilan a simplement été voté en réunion ». Le CSE de la Caisse d’épargne Rhône-Alpes a quant à lui fait appel aux services d’un notaire : « Avec un patrimoine composé de plusieurs appartements de vacances et de mobiles-home, nous ne pouvions pas vraiment nous permettre de prendre des risques, justifie Carole Bouvier, élue titulaire. Juridiquement il y a une rupture entre le CE et le CSE, donc pour sécuriser l’opération nous avons préféré payer un notaire ».
Trésorier du CSE : les dispositions essentielles (*) |
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Est-il obligatoire de désigner un trésorier au CSE ?Oui. Tout CSE, quelle que soit l’importance de ses budgets doit avoir un trésorier, désigné par le comité parmi les élus titulaires (article L. 2315-23 du code du travail). Le trésorier ne peut pas être choisi parmi les suppléants. Même si elle n’est pas obligatoire, la désignation d’un trésorier adjoint est plus que recommandée. Théoriquement, le trésorier adjoint peut être choisi parmi les titulaires ou les suppléants. En pratique, il est préférable de nommer un titulaire. Lui seul a des heures de délégation et peut assister aux réunions plénières et y voter. Quelles sont les missions du trésorier du CSE ?Dans tous les CSE, le trésorier est au minimum chargé de la comptabilité et de la gestion financière et comptable. C’est lui généralement qui s’occupe :de régler les dépenses, d’encaisser les chèques, de tenir la comptabilité, d’arrêter les comptes en vue de leur approbation, d’archiver les factures, les justificatifs, etc. ;d’établir le rapport annuel d’activité et de gestion du comité social et économique qui doit être présenté en réunion au moment de l’approbation annuelle des comptes ;d’établir les budgets prévisionnels tant pour la subvention de fonctionnement que pour la subvention des activités sociales et culturelles ;d’ouvrir le ou les comptes bancaires au nom du comité social et économique nouvellement élu, de placer les excédents de trésorerie.Tenue et clôture des comptes, budget prévisionnel, règles Urssaf à respecter, rapport annuel d’activité et de gestion… le trésorier et le trésorier adjoint ont le droit de ne pas savoir faire mais ils vont devoir apprendre. Au CSE de les y aider le plus possible en leur permettant de suivre une formation. Le budget de fonctionnement du comité est là pour ça ! Le trésorier doit-il nécessairement tenir une comptabilité ?A partir du moment où il y a des budgets à gérer, des recettes, des dépenses, il est indispensable d’avoir une comptabilité. Ça sert à beaucoup de choses, et notamment à suivre les dépenses et à connaître la situation du comité social et économique à tout moment. De toute façon, le code du travail impose à tout CSE de véritables obligations comptables (les articles L. 2315-64 et suivants prévoient trois niveaux d’obligations comptables en fonction des ressources du CSE). De quel degré d’autonomie jouit le trésorier du CSE ?Normalement, le trésorier ne fait qu’appliquer les décisions du comité social et économique. Par conséquent, en dehors des habilitations qui lui sont conférées et de ce qui est prévu par le budget prévisionnel du comité, aucune dépense non prévue et non votée ne peut être engagée par le trésorier. En pratique, il dispose d’une certaine marge de manoeuvre pour régler les dépenses courantes.S’il outrepasse ses pouvoirs et qu’il décide seul d’engager certaines dépenses qui n’ont pas été votées par le CSE, il pourrait même en théorie être poursuivi pour délit d’entrave.Le trésorier engage-t-il sa responsabilité en cas de mauvaise comptabilité du CSE ?Le trésorier n’est en principe pas responsable des pertes financières du comité sur ses biens propres. Il ne peut pas pâtir des manques et des pertes. C’est le CSE qui est civilement responsable des fautes que commettent ses membres. S’il commet une malversation, une fraude ou un détournement au détriment du comité, il pourrait être poursuivi devant le tribunal correctionnel pour abus de confiance (article 314-1 du code pénal). Le CSE pourrait même se porter partie civile, ce qui lui permettrait de demander des dommages-intérêts. (*) Ces lignes sont issues du contenu des fiches pratiques du guide CSE des Editions Législatives rédigées par Frédéric Aouate et Virginie Guillemain. |
Source – Actuel CE