Modèle unique de représentation du personnel depuis le 1er janvier 2020, le comité social et économique peut faire l’objet d’adaptation par accord collectif. Mais une maîtrise imparfaite des règles issues des ordonnances Travail peut amener syndicats et employeur à s’entendre sur des clauses non conformes au code du travail. Illustration, à travers trois accords CSE, de mesures à corriger sur le nombre de cadres pouvant assister l’employeur en réunion, la limitation du recours à l’expert et le mécanisme de suppléance.

Depuis maintenant deux ans, nous scrutons avec attention la mise en place du comité social et économique (CSE) au sein des entreprises. Et nous vous présentons régulièrement le contenu d’accords conclus. Mais parmi les dizaines de textes relatifs à l’institution du CSE que nous avons lus, il apparaît aussi régulièrement des clauses non conformes aux dispositions légales, ou tout au moins dont la rédaction mériterait d’être précisée. Voici un sélection de trois clauses issues d’accords CSE conclus cet automne, non pas pour jeter l’opprobre sur les négociateurs, mais pour attirer votre attention sur le respect de certains principes.

 

Deux mois pour agir contre la clause illicite

S’il apparaît qu’une clause d’un accord d’entreprise est contraire aux dispositions d’ordre public, ou en retrait par rapport à la loi, une action en nullité peut être engagée devant le juge dans un délai de deux mois. Ce délai court à compter :

– de la notification de l’accord d’entreprise prévue à l’article L. 2231-5 du code du travail pour les organisations disposant d’une section syndicale dans l’entreprise ;

– de la publication de l’accord dans la base de données nationale prévue à l’article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

 
1/ L’employeur assisté de 5 collaborateurs en réunion CSE
Accord Verifone du 23 octobre 2019

 

« Article 8.2 – Participants aux réunions

Les réunions seront présidées par l’employeur ou son représentant dûment mandaté accompagné éventuellement de 5 collaborateurs au maximum. Le CSE sera informé au préalable de chaque changement de collaborateurs présents à la réunion.

(…) Les suppléants participeront aussi aux réunions ordinaires et extraordinaires.

Seuls les membres titulaires du CSE prennent part aux votes, les suppléants ne voteront qu’en l’absence du titulaire selon les règles de remplacement en vigueur ».

 

 

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : l’article L. 2315-23 du code du travail dispose que « le comité social et économique est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine. Il est présidé par l’employeur ou son représentant, assisté éventuellement de trois collaborateurs qui ont voix consultative. Le comité désigne, parmi ses membres titulaires, un secrétaire et un trésorier ». Cette règle de droit ne nous apparaît pas pouvoir faire l’objet d’adaptations par accord d’entreprise (au même titre que les partenaires sociaux ne peuvent pas décider de priver l’instance de sa personnalité morale ou faire l’impasse sur la désignation d’un bureau).

2/ Un recours à l’expert soumis à un dialogue préalable avec l’employeur
Accord Scori SA (groupe Suez) du 17 septembre 2019

 

« 6.1 Consultations récurrentes

(…) Périodicité des expertises

Les demandes d’expertises pouvant être déclenchées sur les consultations précitées ne pourront intervenir qu’au moment de la demande d’avis concerné et faisant suite à des échanges infructueux avec la Direction de l’entreprise« .

 

 

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : « Un accord d’entreprise (…) détermine le nombre d’expertises dans le cadre des consultations récurrentes (…) sur une ou plusieurs années », énonce l’article L. 2315-79 code du travail. Par accord, il peut donc être donné un cadre au recours à l’expertise pour les trois grandes consultations récurrentes (situation économique, politique sociale, orientations stratégiques).  Mais ce cadre conventionnel doit se limiter au « nombre d’expertises », et non pas restreindre les cas de recours à l’expertise. En imposant aux élus « des échanges infrutueux avec la direction » préalablement à la désignation de l’expert, apporte une limitation au droit à l’expertise qui excède ce que permet la loi.

3/ Suppression de l’ordre de remplacement du titulaire absent
Accord Eisai SAS du 22 octobre 2019

 

« 2.5 Réunions du CSE

Les parties ont convenu d’inviter à participer aux réunions du CSE l’ensemble des 6 Titulaires ainsi que 2 Suppléants au choix désignés après concertation par le Secrétaire du CSE une semaine avant la date de réunion convenue.

(…) Il est également convenu que tout suppléant pourra remplacer tout titulaire absent, quelque que soit sa liste d’appartenance et son ordre sur la liste« .

 

 

► Pourquoi cette clause ne nous apparaît pas conforme à la loi : en l’absence d’un titulaire, le remplacement doit être assurée par un suppléant de la même organisation syndicale dans l’ordre suivant (article L. 2314-37 du code du travail) :

  • désignation d’un suppléant de la même catégorie que celle du titulaire ;
  • à défaut de suppléant dans la même catégorie, désignation du suppléant d’une autre catégorie appartenant au même collège que celui du titulaire ;
  • à défaut de suppléant du même collège, désignation d’un suppléant appartenant à un autre collège électoral que celui du titulaire ;
  • si l’organisation syndicale n’a pas d’élu suppléant, le remplacement est assuré par un candidat non élu présenté par l’organisation ;
  • à défaut, le remplacement est assuré par le suppléant élu n’appartenant pas à l’organisation du titulaire à remplacer, mais appartenant à la même catégorie et ayant obtenu le plus grand nombre de voix.

À notre sens, ces dispositions ne sont pas ouvertes à la négociation et il n’est pas possible de prévoit que « tout suppléant pourra remplacer tout titulaire ». Enfin, il nous apparaît risqué de laisser au secrétaire du CSE le choix des suppléants qui pourront, même en l’absence de titulaire. Car si ce sont toujours les mêmes suppléants qui sont choisis par le secrétaire du CSE, au détriment par exemple des suppléants d’un syndicats concurrents, un contentieux pourrait rapidement voir le jour.

Source – Actuel CE