Pour les besoins de la consultation sur la politique sociale, l’emploi et les conditions de travail de l’entreprise, l’employeur doit mettre à la disposition du CE, et éventuellement du CSE, les informations relatives à la politique sociale des sociétés absorbées.
A l’occasion de la consultation 2015 sur la politique sociale, l’emploi et les conditions de travail de la société Sopra Steria Group, née d’une fusion-absorption effective au 1er janvier 2015 des sociétés Sopra et Steria, le CCE décide de se faire assister par un expert-comptable. C’est alors que le comité et son expert saisissent le président du tribunal de grande instance (TGI) pour obtenir à la fois la communication de documents supplémentaires portant sur la situation sociale des sociétés Sopra et Steria antérieurement à leur fusion, soit pour les années 2013 et 2014, et la prorogation des délais de consultation du CCE.
La direction fait valoir que rien ne l’oblige, en l’absence d’accord collectif le prévoyant, de communiquer des informations relatives aux sociétés qui ont été absorbées par l’entreprise. Elle considère en quelque sorte qu’il n’y avait pas lieu de remonter dans le temps au regard de l’étendue de son obligation d’information et que le compteur ne pouvait démarrer qu’au 1er janvier 2015, date de création de la nouvelle entité.

 

Du point de vue des représentants du personnel, on peut au contraire considérer que les informations relatives à la politique sociale, l’emploi et les conditions de travail des entreprises absorbées, à savoir notamment la situation de l’emploi, la formation professionnelle, les rémunérations, l’égalité professionnelle femmes/hommes, revêtent une importance capitale après une opération de fusion-absorption. Ce genre d’opération peut en effet déboucher, et c’est même souvent le cas, sur un alignement des statuts sociaux des salariés des entreprises concernées. D’où l’importance de l’antériorité des informations sociales.

 

Les informations de la base de données économiques et sociales portent sur l’année en cours et les deux années précédentes
Tribunal de grande instance, cour d’appel et, enfin, Cour de cassation. Rien n’y fera, l’employeur est condamné à fournir les informations réclamées. Comme le rappellent les juges, « les informations figurant dans la base de données économiques et sociales portent sur l’année en cours, sur les deux années précédentes et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes » (articles L. 2323-8 et R. 2323-1-5). En conséquence, dans le cas d’une opération de fusion, les informations fournies doivent porter, sauf impossibilité pour l’employeur de se les procurer, sur les entreprises parties à l’opération de fusion pour les deux années précédentes.

 

Si l’employeur invoque une telle impossibilité de se procurer les informations des années antérieures, ce sera bien évidemment à lui de le prouver.

 

Et les juges d’estimer que le comité central d’entreprise et le cabinet d’expertise n’avaient pas reçu, malgré leur demande de communication concernant les sociétés Sopra et Steria pour les années 2013 et 2014, l’information légalement due. D’où une condamnation, sous astreinte, de Sopra Steria Group à communiquer les informations demandées.

 

Pour le CSE, un accord d’entreprise peut limiter l’antériorité des informations de la BDES
Ce que vient nous dire aujourd’hui la Cour de cassation pour le comité d’entreprise est applicable au comité social et économique, mais dans certaines conditions seulement. L’employeur a toujours l’obligation de mettre en place une base de données économiques et sociales (BDES) qui rassemble l’ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes (article L. 2312-18) et celle de consulter le CSE sur la politique sociale, l’emploi et les conditions de travail (article L. 2312-17).
Mais attention, la règle en vertu de laquelle les informations contenues dans la BDES portent sur les deux années précédentes et l’année en cours et intègrent des perspectives sur les trois années suivantes a un caractère supplétif (article L. 2312-36). Cela signifie qu’elle ne s’applique qu’en l’absence d’accord fixant notamment le contenu de la base de données (article L. 2312-21). Un tel accord, qui fait alors loi dans l’entreprise, pourrait ainsi limiter l’antériorité des informations que l’employeur met à la disposition du CSE dans la BDES. Si tel est le cas et que le CSE se retrouve dans la même situation que celle du CE de la société Sopra Steria Group, il devra s’en tenir aux informations que l’employeur est tenu de lui fournir en vertu de l’accord. Adieu tout ou partie de l’antériorité.

 

La lecture d’un grand nombre d’accords d’entreprise relatifs au comité social et économique nous montre que la question de l’antériorité des informations de la BDES y est très rarement abordée, ce qui rend applicable les dispositions supplétives du code du travail. À savoir l’année en cours, les deux années précédentes et les perspectives sur les trois années suivantes.

 

Les consultations récurrentes du CSE, il y en a deux autres, une sur les orientations stratégiques de l’entreprise et une sur sa situation économique et financière. La BDES devant contenir l’ensemble des informations nécessaires aux consultations récurrentes récurrentes du CSE, il y a tout lieu de penser que la solution retenue par la Cour de cassation s’applique à ces deux autres consultations.