Les partenaires sociaux peuvent adapter par accord collectif les principes du droit du travail, mais sans déroger aux règles d’ordre public absolu. Telle est la règle rappelée jeudi par la Cour de cassation aux négociateurs de la branche de l’intérim. Ils avaient créé un nouveau type de contrat de travail, le CDI intérimaire, avant que la loi Rebsamen n’autorise ce type de contrat.

Il intercale périodes de missions travaillées et périodes d’ « intermissions » rémunérées au Smic. Le CDI intérimaire peut être conclu par les entreprises de travail temporaire depuis le 17 août 2015, date d’entrée en vigueur de la loi Rebsamen. Cette dernière autorise la signature de CDI intérimaire à titre expérimental, jusqu’à la fin de l’année 2018 où un rapport décidera ou non d’ancrer dans le dur ce dispositif.

Les partenaires sociaux de la branche de l’intérim (Prism’Emploi côté patronat ; CFDT, CFE-CGC, CFTC et CGT côté syndicats) n’ont pas attendu cette autorisation de la loi pour tenter l’aventure. Dès le 10 juillet 2013, ils signent un accord qui crée, pour les entreprises de travail temporaire, un CDI intérimaire. Cet accord est étendu par arrêté ministériel en février 2014. Mais les parties à l’accord étaient-elles réellement compétentes pour créer une nouvelle catégorie de contrat de travail ?

La négociation collective, vivement encouragée par les pouvoirs publics

La confédération FO réfute la compétence des signataires de l’accord. Elle considère qu’ils ont empiété sur le pouvoir législatif en mettant en place un nouveau type de contrat de travail, et qu’ils ont outrepassé les dispositions d’ordre public du code du travail régissant le travail intérimaire. De leur côté, les signataires de l’accord se défendent : selon la Constitution, le législateur détermine les principes fondamentaux de droit du travail (article 34), les partenaires sociaux étant libres de déterminer les modalités d’application de ces règles. Ils soulignent que cet « ordre public dérogatoire conventionnel » est « rappelé sans cesse par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et vivement encouragé par les pouvoirs publics ». Ils estiment enfin que les dispositions de leur CDI intérimaire sont plus favorables pour les salariés que les règles du code du travail encadrant le contrat intérimaire classique ou l’emploi temporaire.

Le tribunal de grande instance de Paris tranche en faveur des parties à l’accord : ce dernier n’empiétait pas sur la compétence réservée au législateur. Les modalités particulières du CDI intérimaire mis en place relèvent d’un champ conventionnel « bénéficiant d’une certaine liberté en complément ou supplément de la loi ». D’autant plus, poursuivent les juges, que la loi Rebsamen « a prévu des conditions d’expérimentation de ce même régime de contrat de travail ». Un argument discutable quand on sait que cette loi est entrée en vigueur un an et demi après l’extension de l’accord collectif en question.

Dérogation à l’ordre public absolu

La loi n’a pas d’effet rétroactif! rappelle la Cour de cassation, saisie par FO. L’accord collectif signé en 2013 dans la branche de l’intérim n’entrait donc pas dans le champ de l’expérimentation du CDI intérimaire autorisée par la loi Rebsamen de 2015. La Cour tranche : en créant un CDI intérimaire avant l’heure, l’accord collectif étendu a fixé des règles qui relevaient de la loi. La mise en place d’une nouvelle catégorie de contrat de travail déroge aux règles dites « d’ordre public absolu » : celles relatives au CDI d’une part, et celles visant le contrat de mission. Peu importe que les règles négociées dans l’accord soient plus favorables aux salariés.

Source – Actuel CE