Lorsque l’employeur entend contester la nécessité, l’étendue, ou le coût prévisionnel de l’expertise décidée par le CHSCT, il doit saisir le juge judiciaire dans les 15 jours de la délibération décidant du recours à cet expert. Le juge devant statuer dans les 10 jours de la saisine (article L. 4614-13 du code du travail). Par deux arrêts du 6 juin 2018, la Cour de cassation répond à deux questions qui intéresseront entreprises et avocats : à partir de quel moment considère-t-on que le juge est saisi de la demande ? Et que se passe-t-il si le juge ne statue pas dans les 10 jours de sa saisine ?
La chambre sociale de la Cour de cassation a récemment décidé que l’employeur dispose de 15 jours à compter du jour où il a connaissance du coût prévisionnel de l’expertise pour le contester et non pas à compter de la délibération du CHSCT, s’éloignant ainsi de la lettre de la loi (arrêt du 28 mars 2018). |
Dans la première affaire, un CHSCT décide de recourir à une expertise par délibération du 30 novembre 2016. Le 14 décembre, l’employeur assigne le CHSCT par acte d’huissier. Le secrétariat-greffe du TGI ne reçoit une copie de l’assignation qu’une semaine plus tard. Le tribunal de grande instance considère que l’action de l’employeur n’était plus recevable, puisque la remise de l’assignation au tribunal avait été faite hors délai de 15 jours.
La Cour de cassation affirme que la demande en justice devant le tribunal de grande instance en référé étant formée par assignation, la date de saisine du juge s’entend de celle de l’assignation. En l’espèce, la Cour constate que l’assignation ayant été délivrée le 14 décembre, le délai de 15 jours a été respecté. En d’autre termes, il est décidé de ne pas faire peser sur l’employeur les éventuelles lenteurs de l’administration de la justice.
L’assignation est délivrée par voie d’huissier. Elle permet d’informer la partie adverse, en l’occurrence le CHSCT, que l’employeur engage un procès contre lui. Le greffe du tribunal de grande instance reçoit ensuite une copie de cette assignation, il peut donc se passer plusieurs jours entre l’assignation et la délivrance de la copie de l’assignation. |
A compter de sa saisine (date de dépôt de l’assignation au greffe), le juge doit en principe statuer en la forme des référés dans un délai de 10 jours. Quelle conséquence alors si le juge rend sa décision en retard ? Aucune, répond la Cour de cassation. La décision de justice reste valable même après le délai de 10 jours. En l’espèce, l’assignation avait été remise au greffe le 10 novembre 2016 et le juge n’avait statué que le 7 décembre 2016. Le CHSCT demandait à la Cour de cassation de déclarer nulle cette décision, ce qu’elle a refusé de faire.
Cette position correspond à celle déjà retenue dans le cadre du contentieux portant sur les élections professionnelle. Même si le tribunal d’instance doit statuer dans un délai de 10 jours, la décision peut toujours être rendu après ce délai (arrêt du 12 décembre 1990). |
Ces deux décisions concernent les expertises décidées par le CHSCT, instance vouée à disparaître au plus tard le 31 décembre 2019. Mais elles ont aussi vocation à s’appliquer au comité social et économique. En effet, les ordonnances du 22 septembre 2017 ont modifié les modalités de contestation des expertises du CSE par rapport à celle du CHSCT, mais l’esprit du texte reste le même. En effet, si l’employeur entend contester la nécessité de l’expertise, il doit saisir le juge dans un délai de 10 jours à compter de la délibération du CSE (article L. 2315-86 du code du travail). On peut raisonnablement penser que c’est l’assignation qui devra avoir été délivrée avant la fin du délai de 10 jours.
Source – Actuel CE